« On ne lâche rien ». C’est un message.
Un message des enseignants du collège Simone de Beauvoir à Créteil. Un message à leurs élèves « Vous valez autant que les autres, vous êtes capable de vous dépasser, d’aller au bout de vous même et on va vous le montrer. On va vous suivre, vous relever autant de fois qu’il le faut, vous irez jusqu’au bout et vous en serez fiers ».
C’est aussi un message de ma part, un message photographique : Peu importe vos rougeurs, vos kilos en trop, votre vitesse, vous êtes beaux. En aidant les copains qui n’en peuvent plus, vous êtes beaux. Avec votre pudeur, vos doutes, vos sourires et vos peurs. Quand vous encouragez votre classe dans la dernière ligne droite, quand vous accélérez pour finir, quand vous vous accrochez pour repartir. Peu importe que vous ne ressembliez pas à Kim Kardashian. Vous êtes beaux.
Et quand, après avoir couru, transpiré, souffert, vous me regardez à travers l’objectif, quand vos inhibitions tombent parce que vous n’en pouvez plus, vous êtes beaux.
« On ne lâche rien » c’est un mantra qui s’est construit entre professeurs et élèves, qui a dû se frayer un chemin entre des ressentis contrastés « Cela reste de la course à pied, c’est ennuyeux » C’est enfin et surtout un message prononcé ensemble, en criant très fort. Un message qui peut paraître dérisoire pour un cross de collège mais c’est plus que ça, c’est un message de vie dont il faudra se rappeler au creux de la vague. « On ne lâche rien »
Et puis, à force de réussir, on finit par y prendre goût.
Nicolas Rivals
//
« Mais monsieur pourquoi on court ? Ca sert à quoi ? »
Toujours les mêmes questions... la course à pied, l’endurance comme on disait autrefois, incarne depuis toujours ce que l’éducation physique à l’école offre de plus aride.
Pour nos élèves comme pour les autres, Il y a quelque chose d’absurde, de dérisoire, dans cette injonction à courir.
Personne ne le dit mieux que Ya-sin, 13 ans, 3èmeD : « Courir pour rien, c’est ça qui me rend fou »
Courir pourquoi ? Courir après quoi ? Courir vers quoi ? Sur une piste d’athlétisme, on ne va nulle part, on court en rond.
Pourtant il arrive que le dérisoire se mue en sublime. Les champions que nous portons aux nues ne font pas autre chose : se battre contre le chronomètre, gagner quelques poussières de secondes, quitte à y consacrer sa vie. Absurde, mais sublime. Extraordinairement inutile.
Extraordinaire parce qu’inutile.
Il y a quelque chose d’universel, d’intemporel dans ce désir de l’homme à aller rechercher ses propres limites, une sorte d’émotion primale.
Comment alors offrir cette émotion à nos élèves qui ne veulent pas courir ? A l’évidence, nos beaux discours n’ont que peu de prises, pas plus que nos « c’est pour ton bien », « tu comprendras plus tard, tu verras ». Le paradoxe est
là : cette émotion ne s’offre pas, ne se comprend pas, elle se gagne, elle se ressent. « On ne lâche rien », c’est l’histoire du chemin parcouru vers cette émotion. Par eux, par nous. Une histoire simple d’enfants de Créteil qui se
préparent et s’entraînent ensemble pour prendre le départ d’une « vraie » course. Une histoire dans laquelle les mots des élèves dialoguent avec les photographies de Nicolas Rivals pour rendre compte de l’expérience vécue, des doutes, des rires, des coups de barres et des coups de blues.
- Mais m’sieur on va nous prendre en photo ?
- euh...Oui Ya-sin pourquoi ?
- Ben....j’sais pas on est moches quand on
court ? Et si on est moches ? Moi j’veux pas...
- On essaye et si ça ne te plait pas on efface,
d’accord ?
On a pas effacé. On a gardé pour en faire un livre sur vous, les enfants de Créteil.
Merci les élèves, merci Nicolas pour cette belle
tranche de vie vécue ensemble.
Lucas Simon Malleret
Enseignant d’éducation physique et sportive
Collège Simone de Beauvoir, Créteil
//